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Des lectures savoureuses

Voici des récits historiques sur deux femmes qui habitèrent Rousson. La première, Alaïs, perdit son château qui fut détruit par un homme avide de pouvoirs et la seconde, Blanche, s'est battue toute sa vie pour récupérer le sien

ALAÏS, Baronne de Rousson

Nous sommes dans le Gard, au XIIIème siècle.

Le vieux château fort de Rousson construit sur sur le pic du Castelas appartient alors à une branche de la famille Pelet des comtes d'Alès.
Le Baron Ramoun Pelet vint à mourir au cours de l'hiver 1240, laissant à sa vieille mère Sybille et à sa jeune épouse Tiburge la tâche difficile de défendre l'enfantelet Bernard, son fils âgé de cinq ans.
Pierre d'Athiès, en grand uniforme de Sénéchal du Roy, assistait aux funérailles avec son escorte. Cinquante moines de l'Abbaye de Cendras psalmodièrent en pénétrant dans la Basilique Saint Jean.
Campé au premier rang dans le cœur, entouré de dignitaires, des Chevaliers du Temple et des Chevaliers d'ordre Hospitalier écoutant patiemment les Dies Irae et les Requiem qui tombaient sur le cercueil, Pierre d'Asthiés remarque une jeune femme très belle parmi les vassaux du Baron Pelet: c'était Alaïs de Rousson, jeune veuve elle aussi.

A peine attendit-il les dernières pelletées de terre sur la tombe pour faire une cour très directe et très impudente à la jeune femme qui se replia en hâte.
Trois jours plus tard, des impôts extraordinaires dégringolèrent sur les marchands Alésiens. Deux d'entre eux refusèrent: Pierre Mirat, drapier de son état, que les sergents du Roy chassèrent de son logis confisquant ses meubles et bouleversant son échoppe. Atterré, Pierre Mirat paya la surcharge fiscale de 25 livres pour retrouver sa demeure. Il fit quand même constater par le notaire que les sbires du viguier lui avaient volé des pièces de drap pour une valeur de 150 livres. Quant à Pierre Peillier, pelissier de son état, (cuirs et fourrures) il fut dépouillé de tous ses biens pour être finalement jeté en prison. Fut-ce un hasard ou à la suite de mauvais traitements, il mourut dans son cachot trois semaines plus tard.

Cette fois, au château des Pelet d'Alès, la Baronne trouva par trop grave l'injustice. Tiburge était jeune femme énergique et active et depuis la mort de son mari elle se sentait investie d'un héritage moral et d'une mission. Quant à la vieille Sybille, l'esprit combatif des « Pelet » lui remuait les sangs! Elles tinrent conseil et la baronne Tiburge fit seller les chevaux. Encadrée par son prévôt d'armes et par ses écuyers, elle chevaucha jusqu'à Paris chez le Roy.

Il faut réaliser l'exploit physique de la jeune veuve: 20 jours sur le dos mouvant d'un cheval par les chemins médiévaux, la neige d'hiver en montagne, la boue, les hostelleries pouilleuses et le guet des malandrins. 160 lieues d'efforts avant d'atteindre la capitale, forcer les portes du Palais, faire bouger les Intendants et les secrétaires pour parvenir enfin devant le Roy Louis IX (Saint Louis) et lui réclamer justice.

Louis IX s'émut, dicta des instructions sévères pour le Sénéchal d'Athiès et confia le message à la jeune femme qui repartit aussitôt pour 160 lieues à francs étriers, halant ses gens fourbus derrière sa haquenée.

Une championne que Dame Tiburge Pelet! Elle pique droit sur Beaucaire et, là, le visage tiré de fatigue, les vêtements raides de boue, elle se fit recevoir par le Sénéchal au nom du Roy. Elle lui tendit les ordres du souverain et, refusant l'hospitalité officielle, reprit la route d'Alès. Il lui tardait de revoir l'enfantelet Bernard.

Deux jours plus tard, le Sénéchal fit irruption au galop dans la ville. Sans même mettre pied à terre au château de son viguier, il traversa le Bosquet et gravit la pente vers le château Pelet.

Dans la salle d'Honneur, il pesta à grands cris parce que la Châtelaine tout à ses atours, le faisait attendre. Quand elle apparut enfin, coiffée à chignon serré sous le voile de lin, les lèvres soigneusement passées au rouge d'andrinople, la robe de cérémonie de brocart violet adornée de dentelles et de pierreries, le Sénéchal s'épargna la peine de la saluer et fit lire par son moine secrétaire un rapport qu'il adressait au Roy. Ce parchemin répondait aux ordres de Louis IX en affirmant que tout était réglé: Les prisonniers libérés et remboursées les sommes indûment perçues. Le Roy ayant également exigé que la Baronne confirma l'exécution de ses instructions, Athiès intima l'ordre à la jeune femme de contresigner son rapport... qui bien sûr était faux!
Aucune des mesures de réparation exigées par le souverain n'ayant été réalisées, Tiburge refusa. Athiès se laissa emporter dans une colère noire et une violence qui n'avait plus de réflexion! Il tempêta et exigea en sus qu'on lui livra Alaïs de Rousson, la jeune veuve qu'il avait tant admirée, ayant pour intention d'en faire sa maitresse. Dame Tiburge Pelet, Baronne d'Alès, ne faillit point. Etant la suzeraine de la jeune veuve, son devoir était de la protéger. Elle envoya deux écuyers au Château de Rousson afin d'inviter Alaïs à les suivre dans une cachette sûre.
Devant de tels obstacles, le Sénéchal de Beaucaire se déchaina, plus rien ne pouvait freiner cette folie du pouvoir qui l'avait pris.

Une semaine plus tard, on rapportait à Alès la nouvelle que le château de Rousson avait été incendié par la troupe du Sénéchal, les murs restant debout étant abattus. Le Viguier revint au Château des Pelet d'Alès. Assistée de Sybille, Tiburge affronta le second du Sénéchal et le groupe des écuyers en arme. Le Viguier tenta une fois de plus de lui faire signer le faux rapport pour le Roy et essuya un nouveau refus. Le Sénéchal, dont le cœur brûlait d'une foi sauvage, était convaincu que Tiburge cachait Alaïs dans un de ses châteaux aussi, lança t-il ses troupes dans l'Alèsis et les Vassaux de la Baronne furent surpris un à un et emprisonnés. Ainsi seront rasés et démantelés les châteaux de Formari, Saint-Etienne, Alenzac, Aigrefeuille, Montaigu, Lascours et enfin Boucoiran qui était le plus vaste et le mieux défendu.

Pendant 300 ans, il n’y eut plus de château jusqu'à ce que la Seigneurie soit rachetée au baron d’Aigre-Mont (près de Lédignan) par Charles d’Agulhac de Beaumefort en 1588.

BLANCHE de LEDENON

Nous sommes à l'aube de la révolution française.

Certains soirs d’orage, sans que l’on puisse le prévoir, on voit apparaître sur la tour du Nord dans un halo de lumière tamisée une femme agenouillée. C’est la Dame Blanche qui revient hanter cette maison qu’elle a eu tant de mal à récupérer.

Voici résumée cette légende encore forte dans le pays. Tout commence à Lédenon dans le Gard vers la fin de l’ancien régime (donc avant 1789). Une jeune fille de 16 ans s’est éprise d’un beau militaire qui avait fréquenté le même collège que son père et qui séjournait au titre de cette amitié, dans la maison de ses parents. Cette jeune fille, c’est Blanche de Lédenon. Le beau militaire, c’est François de Vedel Montel.

Cependant, pour son père, le militaire n’est pas d’une noblesse assez glorieuse et il décide donc de renvoyer sa fille dans le couvent avignonnais ou elle reçoit alors son éducation. Blanche repart donc, mais son amour lui tourne déjà la tête. Sa raison s’enfuit peu à peu, son cœur prend toute la place, et en apprenant que l’homme de sa vie est arrivé en garnison à Avignon, elle s’enfuit du couvent pour rejoindre la chambre d’hôtellerie qu’il occupe. Elle n’y va pas de main morte et fait informer publiquement son hôte qu’elle l’attend dans sa chambre. Un scandale éclate ! La jeune Blanche est ramenée de force au couvent.

Son père ne l’entend pas de cette oreille et décide donc pour la faire plier et renoncer, de l’enfermer dans un couvent-prison à Paris où elle sera maintenue dans un état d’insalubrité, de pauvreté et de solitude extrême pendant 12 ans.

Blanche aura très vite une correspondance importante avec ses parents. Elle y assure qu’elle les aime, qu’elle entend bien leur obéir, mais que son amour est plus fort et qu’ils doivent donc céder. La mère de Blanche devient très malade, "rongée par le chagrin" dit son mari. C’est à elle qu’appartient le château de Rousson mais poussée par son mari qui y trouve un moyen de vengeance, elle déshérite sa fille avant de mourir.

S’engage alors un procès qui ira de Montpellier à Aix-en Provence en passant par Toulouse, Montélimar et Dieu sait où encore, afin que Blanche puisse récupérer son bien. Elle est tenace et se défend bec et ongles donnant à ses avocats les moyens pour la soutenir. Blanche finit par gagner son procès. Elle atteint alors l’âge de 25 ans. Elle peut donc se marier sans l’autorisation de son père, mais un procès engagé contre François de Vedel la contraint à attendre 3 ans de plus. Malgré la demande affectueuse qu’elle formule alors, son père oppose un refus farouche à sa fille.

Un autre procès est engagé. Blanche le gagne également, épouse son beau militaire et reprend possession de Rousson, mais ces années d’enfermement et de lutte l’ont épuisée. Elle meurt à l’âge de 33 ans sans descendance.

La légende dit qu’elle était venue à Rousson demander à genoux le pardon de son père. Celui-ci lui ayant répondu « je n’ai plus de fille, ma fille est morte », elle serait tombée foudroyée. Depuis ce jour elle hante la maison en quête du pardon de son père.

Ainsi, bien avant l’heure du jeté de soutien-gorge aux flammes, Blanche de Lédenon a fait preuve d’un féminisme indéniable. Elle s’est battue aussi bien pour ses droits successoraux que pour imposer aux siens l’homme qu’elle aimait au-delà des conventions sociales idiotes dont l’époque était pétrie.

Rousson serait-elle une maison de femmes de tête ?

V. de B.

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